C’est officiel : les députés de la House of Commons s’exprimeront mardi 11 décembre sur l’accord conclu entre le gouvernement britannique et l’Union européenne. Ce vote est déterminant dans ce Brexit, puisque, comme l’a avoué Theresa May devant les parlementaires lors d’un long débat lundi 26 novembre, “il n’y a pas de plan B”. L’accord peut-il passer ? Le problème de la Première ministre britannique est qu’elle n’a qu’une petite majorité au Parlement. Majorité qui tient grâce aux 10 députés du DUP, parti des Unionistes nord-irlandais, mais ces derniers sont très en colère puisque la question de la frontière entre la République d’Irlande et l’Irlande du Nord n’a pas été clairement réglée dans l’accord validé entre le Royaume-Uni et l’Union européenne. Pour éviter la mise en place d’un backstop, qui amènerait à créer une “frontière dure” entre les deux pays en entraînant une remise en cause des Accords du Vendredi Saint de 1998, la Grande-Bretagne et l’UE ont décidé de faire de la mer d’Irlande la nouvelle frontière. Or, cela créerait pour les Unionistes une scission dans le royaume. L’Irlande du Nord serait ainsi techniquement séparée du reste de l’Île. Inadmissible pour les députés du DUP. Deuxième problème, le propre camp de Theresa May, le parti conservateur (Tory), se déchire sur le Brexit. S’ils sont au nombre de 315 à siéger actuellement, il y a d’un côté les partisans d’une sortie de l’UE radicale et franche, soutenus par Boris Johnson, l’ancien ministre des Affaires étrangères, mais aussi Nigel Farage, l’ancien chef du parti d’extrême droite Ukip. Puis de l’autre côté, des députés Tories qui souhaiteraient quand même garder un pied en Europe. Troisième caillou dans la chaussure, le parti des travaillistes (Labour), mené par Jeremy Corbyn, qui a déjà annoncé qu’il voterait contre. “Cet accord n’est pas bon pour l’avenir du Royaume-Uni”, a déclaré le député lundi 26 novembre lors des débats parlementaires, “pour le bien de la Nation, le Parlement n’a d’autre choix que de rejeter cet accord”. Même si dans le camp de la gauche britannique, certains élus sont favorables à une sortie du pays de l’Union européenne – mais pas dans ces conditions -, la majorité des députés travaillistes (sur les 257 représentants) ont déjà annoncé qu’ils mettraient leur veto et d’ailleurs quelques-uns se sont même prononcés pour l’organisation d’un nouveau référendum. Ensuite, le SNP, parti écossais mené par la Première ministre du pays, Nicola Sturgeon. Il veut une renégociation de l’accord pour une relation encore plus proche avec l’Union européenne. Il faut dire que le gouvernement actuel en Ecosse avait même menacé à plusieurs reprises de lancer un référendum pour demander son indépendance afin de pouvoir rester dans l’UE. Ainsi, Theresa May ne pourra pas compter sur la voix des parlementaires du SNP (qui sont 35 à siéger). Enfin, les Lib Dem, libéraux démocrates (qui n’ont que 12 représentants), souhaitent un nouveau référendum pour demander son avis au peuple britannique, mais non pas sur l’accord en lui-même, mais sur s’il souhaite ou non, après tous ces mois de négociations, toujours quitter l’Union européenne. Pour se donner une idée sur le résultat du vote, le quotidien The Guardian a fait le calcul. On retient que la Première ministre serait alors en très mauvaise posture. Theresa May a donc jusqu’au mardi 11 décembre pour convaincre sa courte majorité de soutenir son accord. Depuis lundi 26 novembre, la Première ministre britannique a donc pris son bâton de pèlerin pour faire campagne auprès des leaders. Ce n’est pas un hasard si son premier stop a été l’Irlande du Nord, où elle va tenter de sauver les meubles avec le DUP, sans qui elle ne pourrait de toute façon avoir aucune marge de manœuvre. Que va-t-il se passer si l’accord n’est pas voté ? Si la majorité des députés vote contre l’accord conclu entre l’Union européenne et le Royaume-Uni, plusieurs scénarios se dessinent. Le premier serait que Theresa May tente de revoir le texte avec l’UE avant de le présenter à nouveau aux députés, qu’elle devra encore convaincre du bien fondé de l’accord. Le second entraînerait le départ de la Première ministre, qui jusque-là a résisté. Soit elle démissionne car de toute façon elle aura du mal à trouver une légitimité avec l’échec du vote, soit c’est son propre parti qui la limoge. Son remplaçant ou sa remplaçante devra alors gérer le dossier et renégocier avec l’Union européenne. Le troisième serait celui de nouvelles élections, soit déclenchées par Theresa May elle-même en espérant que le peuple la soutienne, soit après une motion de censure déposée par le parti travailliste. Le quatrième pourrait s’axer sur l’organisation d’un nouveau référendum, mais il faudrait qu’une majorité de parlementaires se prononce pour, et ce n’est pas gagné. Enfin, pas d’accord, mais le Royaume-Uni devra tout de même sortir officiellement de l’Union européenne le 29 mars 2019. Un scénario déjà imaginé de l’autre côté de la Manche, puisque plusieurs états membres ont déjà travaillé sur le sujet, comme la France, qui a voté une loi permettant au gouvernement d’agir par ordonnances.